C'est mon secret !

6 juillet 2006, j'écris à M.

Bon alors moi ça va... Toujours crises de sommeil : dur dur car mon mari me croit fainéante et trouve que je ne bosse pas assez etc. Mais j'y peux rien je suis au ralenti... J'ai toujours mal aux seins : alors même si des fois je ne me sens pas très "enceinte" et que de l'extérieur évidemment ça ne se voit pas, les signes sont évidents :-)))

 

J'oscille entre grand bonheur (bébé surprise) et désespoir (et si ce bébé ne tient pas non plus). Alors je n'en fais pas un plat et en dehors des crises dodo je vis comme si ma vie n'avait pas changé (alors qu'à l'intérieur je bouillonne, et que j'ai une super belle peau !). Des fois (comme cet aprèm' quand il y a un conflit dans le couple pour un rien, j'ai envie de lui dire d'être cool parce que je suis enceinte, mais non je me reprends... Si jamais je perds ce bébé ce sera une cata !! Alors j'attends que ça se voit tout seul... j'attends de faire une écho en septembre... Et je fais mine de rien même si j'achète mes bouteilles d'eau minérale... et que je craque devant les p'tits pyjamas... Tu es la seule à savoir avec un copain gynéco.

18 juillet 2006, j'écris à M.

Parfois c'est vraiment dur de ne rien dire mais je garde à l'esprit que tout peut s'arrêter à tout moment. Je pensais avoir jusqu'en septembre pour être pépère mais en fait j'ai vu que j'en serai à 12 SA (semaine d'amménorrhée) le dimanche 20 août (déjà !!!) et que je veux faire une écho ! Donc toute seule ? hum... chais pas... Et puis aussi c'est l'anniversaire de mon homme demain... J'hésite... M'enfin je crois que je vais arriver à garder encore un peu mon p'tit secret...

J'hésite sur l'endroit où faire cette écho. Je crois que je vais me prendre un rendez-vous - pas facile de le faire incognito ou alors d'une cabine,  ha ha - et dire que je vais faire les magasins...  Punaise mais je flippe rien que de penser à ce rendez-vous... Si j'avais su je n'aurai pas regardé mon calendrier spécial grossesse... Bon remarque il vaut mieux sinon j'aurai raté toutes les dates. Car il y aura aussi le timming pour la déclaration...

Je n'ai quasi plus de nausées (hard pendant quelques jours) c'est juste que ça peut venir sans prévenir !!! (faim subite, mauvaise digestion d'un truc qui m'a fait plaisir mais qui passe pas, du coup je déteste le produit après : je donne les restes au chat (ça sert un chat !)  Parfois les nausées c'est aussi le manque de sommeil ... C'est chiant ça le sommeil : parfois je dors à n'importe quelle heure (pas possible de m'empêcher) et après je ne dors plus la nuit...

Mis à part ça j'ai une peau magnifique !!!!!  Je suis zen la plupart du temps (trop contente d'être enceinte) mais j'ai quand même hâte de faire ma 1ère écho. Je crois que j'en ferai plusieurs d'affilée pour me rassurer dans un premier temps... J'ai l'impression d'avoir un gros bide alors qu'on voit rien. Mais j'ai mal aux seins c'est l'horreur !!! Il faut que je te laisse ! Je t'embrasse.

18 juillet 2006, j'écris à M.

Je croise les doigts. En tous cas avec la chaleur je ne suis bonne à rien, des crises de nausées sans prévenir, qui repartent aussi... sans prévenir. Du coup je ne sais jamais quand je vais être bien ou mal ; C'est chiant. En plus, je dois finir la prépa de mon atelier qui a lieu ce week-end : je suis loin là !!!  Pfff je ne sais pas si je vais tenir longtemps à ne rien dire... parce que je ne suis vraiment bonne à rien en dehors de lessives de base et des courses... Alors là j'ai le prétexte canicule mais je ne sais pas pour combien de temps !!! Et puis parfois j'ai envie de pleurer pour rien... mais au fond du fond je suis super contente. Sauf que je commence à flipper que le rêve s'arrete :-((( alors j'attends l'écho en comptant les jours. Je pourrai probablement faire ma p'tite annonce début septembre !

Je me surveille mais là je me suis laissée aller sur le fromage et j'ai pris 1 kg. Je vais rectifier de suite parce que comme j'avais déjà regrossi avant et il n'est pas question de me flinguer la ligne, là ! Alors j'ai acheté plein de jus de fruits frais. Mais avec cette chaleur ça part vite en famille...

J'ai mal au coccyx à rester sur ma chaise devant l'ordi ! et j'ai l'impression d'avoir un col à fleur de peau, hypersensible, et bonjour les envies de pipi !!! Là aussi comme je ne peux pas dire pourquoi, quand on est de sortie, je trouve des trucs (je vais à la Presse prendre le journal je te retrouve après... ;-)  C'est top de partager mon secret avec toi !!! Punaise !!! Quelle histoire !!!

La fin du secret ...

Jeudi 20 juillet

Ce matin j'ai perdu ce qui a l'air d'être le bouchon muqueux (grosse glaire avec sang foncé)... Evidemment j'ai commencé à paniquer. Instantanément je me suis dit que c'était fini. J'ai dit que j'allais faire des courses et je suis allée toute seule à l'hôpital, aux urgences.

Hôpital de Marmande (47)

J'ai été accueillie par une sage-femme très sympa, qui se voulait rassurante. Et puis le gynéco de garde est entré. Il a rapidement effectué une écho. Verdict : le col est raccourci mais le bébé va bien et l'activité cardiaque est bonne. Il fait 14,9 mm (pas mal pour son âge !).

Vu mon dossier et mes antécédents j'attendais un minimum de politesse et de compréhension du gynéco mais il a été odieux ! Quand j'ai eu la larme facile à la vue de l'activité cardiaque il a rétorqué : "On est mal barrés !" Moi sur le coup j'ai cru que le bébé allait bien mais que le pronostic était mauvais... Bonne fille j'ai attendu la suite. Je n'ai pas été déçue. Il m'a dit de prendre du recul, que de toute façon un fœtus ne voulait pas forcément dire un bébé à l'arrivée. Je l'ai "remercié", précisant que justement vu mon vécu je le savais, et que je n'avais encore prévenu ni mon mari ni mes enfants qui sont à chaque fois "fracassés" de l'annonce des arrêts de grossesse. Il est monté sur ses grands chevaux en disant que non, les enfants ne pouvaient pas être "fracassés", qu'ils n'avaient pas conscience etc. Je lui ai dit que ce n'était pas la peine de poursuivre la discussion, qu'il ne me connaissait pas, ni ne connaissait mon histoire, ni ma famille... Il a regardé mon dossier et m'a dit que de toute façon j'avais déjà trois enfants alors que des femmes n'arrivaient même pas à en avoir ; que je devais prendre de la distance, être plus cool, voir un psychologue, que sur la sonde il n’y avait même pas de sang... J'étais estomaquée !! Je ne disais plus rien, croisant le regard furibond de la sage-femme. J’ai compris après coup qu’il m’avait catalogué limite "hystérique", ne croyant même pas à mes symptômes, qui avaient pourtant tout l’air de montrer un fin de grossesse imminente (je n’en étais pas à ma première, je connaissais les sensations et les signes).

Il est parti sans un au revoir. J'ai pu parler un peu avec la sage-femme. Mis à part une écho de contrôle prévue 15j plus tard, on ne pouvait rien faire, car j’avais juste un col raccourci, normal pour une multipare... Je lui ai demandé pourquoi le gynéco avait dit "on est mal barrés". C'était juste parce que j'avais pleuré... ! Elle m'a juste dit de prendre du Spasfon pour mes douleurs. Je suis repartie le moral à zéro, la peur au ventre. A la fois je repensais aux propos du gynéco et je me disais que j'aurais du être plus ceci, plus cela, lui répondre telle chose... mais à la fois j'avais eu mon écho et je savais que le bébé vivait ! Rien d'autre n'importait !

Donc je ne sais pas quoi penser ! J'ai mal au ventre... Je roule comme une automate vers la maison. Vivre, continuer la vie, attendre, j'ai le contrôle de la voiture mais pas du reste... Pas facile... Rentrer, faire bonne figure, en parler, pas en parler ? La sage-femme m'a dit que je devais en parler à mon mari, que cette histoire devait se vivre à deux. J'hésite. Je sais qu'il risque de m'en vouloir ; de croire que je lui ai fait "un p'tit dans le dos" ; je n'ai pas envie d'avoir plus de pression... A la fois c'est vraiment dur d'être seule... A la fois je suis seule avec l'angoisse qui m'habite. Personne ne peut partager, comprendre, la peur qu'à tout moment cette aventure s'arrête !

Bon enfin j'essaie de ne pas sombrer. Echo de contrôle dans 15j... mais que puis-je faire maintenant ? Quand est-ce que je dois commencer le traitement aspirine ? (fluidifier le sang pour éviter que le placenta ne soit parasité par des caillots de sang... car les autopsies révèleraient que le "problème" vient de là). Est-ce que du Spasfon ferait quelque chose ? (calmer les contractions). Je nage en plein néant.

Je rentre et immédiatement je demande à mon mari de venir discuter avec moi en privé dans notre chambre. C’est un temps de flottement spécial. J’ai du mal à croire que je suis enceinte et en même temps j’ai envie de me donner toutes les chances. Vu les bébés qui sont décédés avant, on se donne du temps pour atterrir, reparler du sujet plus tard. Evidemment on ne grimpe pas aux rideaux. On est sceptiques sur l’issue de cette grossesse surprise mais on regarde quand même la photo de l'écho avec étonnement...

J'appelle mon gynéco qui me prend au sérieux et me prescrit de la "Progestérone retard 500" pour trois semaines. Je me repose énormément mais deux jours plus tard je dois animer un atelier tout le week-end. J’ai envie de tout annuler mais non, je tiens le coup je ne sais pas comment. Je suis pro jusqu’au bout mais le lundi je reste toute la journée sur mon canapé, incapable de faire quoi que ce soit. Je profite d’une journée sans les enfants. Je me requinque doucement. Je sais que les semaines à venir vont être difficiles… Moi qui m'étais dit que je ne dirai rien, que ça ne me changerait pas la vie... Finalement, un mois et demi plus tard ça change déjà beaucoup de choses...

Samedi 22 et dimanche 23 je dois animer un atelier. J'hésite à l'annuler. Finalement je décide de le faire en prévenant que je ne suis pas au top de mes capacités. Les stagiaires seront bluffées, mais moi le lendemain je fais journée canapé pendant que mon homme conduit un de nos enfants à son stage de tennis. Ce sera salutaire car je termine sur les rotules, c'est rien de le dire !